Piano – Jean-Michel Pilc
Saxophone soprano – Sam Newsome
Basse – François Moutin (pistes : 9 à 12), James Genus (pistes : 1 à 8)
Percussion – Abdou M’Boup
Batterie – Ari Hoenig
Crédits
Composé par – Jean-Michel Pilc (pistes : 1 à 6, 8 à 12)
Masterisé par – Benjamin Joubert
Photographie – Larry Fink
Producteur – Francis Dreyfus
Enregistré par, Mixé par, Masterisé par – René Ameline
Enregistré aux Clinton Studios, NYC les 17 et 18 décembre 2002
Mixé au Studio Ferber, Paris les 3 et 4 janvier 2003
Publié : 10 juin 2003
Label : Dreyfus Jazz
Critique
Cette année s’est avérée être une bonne année pour les trios avec piano. L’année 2003 a vu la sortie de Up for It du Keith Jarrett Standards Trio, Land of Giants de McCoy Tyner, In Search of Momentum d’Ahmad Jamal, Rendezvous in New York de Chick Corea (qui présente des œuvres en trio ainsi que d’autres configurations), Changing Places du Tord Gustavsen Trio et l’excellent Smile de Jacky Terrason. À ces disques, il faut ajouter le dernier disque du pianiste français Jean-Michel Pilc, Cardinal Points.
Bien que Pilc soit souvent à la tête d’un trio, sept des douze morceaux de Cardinal Points sont complétés par le saxophone soprano de Sam Newsome. La section rythmique varie également, le bassiste James Genus jouant sur huit des morceaux, et François Moutin prenant la place de la basse pour les quatre derniers, une longue composition intitulée « Trio Sonata ». À l’exception d’une version de « Mood Indigo » de Duke Ellington, tous les titres de Cardinal Points sont des compositions originales de Pilc.
Sur Welcome Home, l’album en trio de l’année dernière, Pilc, avec Moutin et le batteur Ari Hoenig (qui joue également sur tous les morceaux), s’est concentré sur des standards de jazz et des compositions bien connues telles que « So What », « Stella by Starlight » et « Giant Steps », en les retournant et en créant des véhicules nouveaux et originaux pour les improvisations de Pilc. Cardinal Points met l’accent sur les mêmes caractéristiques du jeu de Pilc que Welcome Home, y compris une attaque tranchante et un penchant pour jouer avec le temps. Ces tendances se manifestent dès le premier morceau, « Fred’s Walk », où le pianiste laisse souvent son phrasé élégant prendre un peu de retard sur sa section rythmique. En même temps, le jeu de Pilc présente une qualité musculaire et charnue qui va à l’encontre de ce que l’on attendrait d’une sensibilité européenne. Cela ne veut pas dire que son jeu manque de finesse ; rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Mais il y a dans son jeu une certitude que l’on n’entend généralement que chez les meilleurs et les plus originaux. Pensez à Bill Evans, à Chick Corea ou à Keith Jarrett – ce n’est pas que Pilc ressemble à l’un de ces musiciens (bien que leur influence soit perceptible à certains moments), mais comme eux, il est capable de créer un langage musical qui lui est propre.
Bien que Pilc possède une technique pianistique étonnante, mise en évidence sur Welcome Home, sur Cardinal Points il met cette technique au service de la création d’un son de groupe unique et au service de ses compositions. Il y a essentiellement deux suites de compositions ici (ainsi que quelques compositions plus petites) – les quatre points cardinaux qui forment « South », « West », « North » et « East » (présentés dans cet ordre), et les quatre sections de « Trio Sonata », qui met en vedette le Jean-Michel Pilc Trio entendu sur Welcome Home. « South » bénéficie d’un remarquable travail de percussion de la part d’Abdou M’Boup et permet à Pilc de construire une fantaisie polyrythmique qui utilise un matériel mélodique et harmonique assez simple. « North » est plus méditatif et met en valeur le travail du soprano de Newsome.
La « Sonate en trio » est l’œuvre la plus concentrée de l’album, et présente un solide argument en faveur de la popularité des œuvres en trio de Pilc. La première partie, rythmée par une boucle de batterie et de claquements de mains, cède la place à une section swinguée qui permet à Pilc et au bassiste Moutin de redéfinir la relation piano/basse d’une manière souvent aussi surprenante que celle inaugurée par Bill Evans et Scott LaFaro. Dans la troisième partie, les choses deviennent plus denses, le trio semblant presque télépathique, chaque membre semblant parfois jouer une figure rythmique différente. Pourtant, l’ensemble reste cohérent et passionnant d’un bout à l’autre. Moutin ouvre la dernière section avec un solo que Hoenig et Pilc accompagnent véritablement, soutenant le contrebassiste avec compétence sans jamais détourner l’attention des lignes qu’il joue.
La « Sonate en trio » termine l’album sur une note très positive et laisse le désir d’entendre beaucoup plus d’œuvres en trio. Bien que les compositions du reste de l’album soient intéressantes et présentent une voix unique, elles sont inégales. En outre, le jeu du soprano de Sam Newsome semble souvent hésitant et ne s’impose pas suffisamment pour justifier l’inclusion d’un cor. On sent que Pilc est prêt à aller plus loin que le travail extraordinaire qu’il a accompli avec son trio, mais on a parfois l’impression qu’il ne sait pas vraiment où il veut aller. En fin de compte, Cardinal Points pourrait s’avérer être une œuvre de transition pour Pilc, qui lui permettra d’associer son style de composition à sa capacité à réinterpréter le répertoire standard du jazz. C’est ce que laisse entendre l’interprétation de « Mood Indigo » qui est incluse ici, la seule composition écrite par quelqu’un d’autre que Pilc. Le groupe joue avec les éléments constitutifs de la composition, n’énonçant pas le matériel mélodique de manière directe et retravaillant également une grande partie du matériel harmonique. C’est une nouvelle interprétation qui augure bien de l’avenir de Pilc.
Cardinal Points a ses défauts, mais il s’agit d’une vaste déclaration d’un musicien qui a trouvé sa propre voix, tant sur son instrument que sur le plan de la composition. Il y a ici du vrai jazz, joué par un groupe (ou deux groupes, en fait) de musiciens qui écoutent attentivement ce qu’ils font et qui sont prêts à prendre des risques. C’est plus que ce que l’on peut dire d’une grande partie de la musique qui passe pour du jazz aujourd’hui, et il ne fait aucun doute que Jean-Michel Pilc est l’un de nos principaux pianistes de jazz. Pour les auditeurs qui recherchent une musique capable de les soutenir lors d’écoutes répétées et qui exigent de l’intelligence et de l’originalité dans leur jazz, Cardinal Points est un excellent choix. ~ Par Marshall Bowden, 8 décembre 2003 PopMatters
« devrait être étudié dans toutes les écoles de musique de la galaxie… »
Harvey Siders, Jazz Times +
Les 50 meilleurs choix de la critique 2003
« …ridiculement bien équilibré, et faisant preuve d’une grâce qui a toujours le pouvoir de secouer une pièce. Keith Jarrett a trouvé quelque chose de similaire… Pilc le pousse un peu plus loin »
Down Beat, 4 Star Hot Box review
« Le jeu de Pilc révèle un feu rugissant qui consume presque l’éclat cosmopolite stéréotypé de la musique européenne »
Neil Tesser, Chicago Reader