Par Peter Hum, 10 novembre 2015
| OTTAWA CITIZEN
Au cours de ses 55 années d’existence, le pianiste Jean-Michel Pilc n’a cessé de se lancer à corps perdu dans le changement.
Dans sa vingtaine, Pilc, né à Paris, travaillait comme ingénieur, mais le jazz était sa passion en dehors des heures de travail. À 27 ans, ce pianiste autodidacte, qui dit être tombé amoureux du jazz à l’âge de huit ans, s’est mis à faire de la musique à plein temps et jouait avec les meilleurs artistes de jazz français.
À 34 ans, il s’installe à Brooklyn, pour s’immerger dans son terreau musical fertile. À propos de ce déménagement outre-Atlantique, Pilc déclare : « J’étais en train de me réinitialiser, vous savez, et j’aime ce sentiment ».
Il est devenu un pianiste mondialement reconnu – il était en tournée en Asie au début du mois – et un professeur vénéré. Pédagogue passionné, Pilc a enseigné aux aspirants musiciens de jazz à l’université de New York et a publié il y a trois ans le livre It’s About Music, qui plonge au cœur de sa philosophie artistique. Mais il y a quelques mois, Pilc et sa famille ont déménagé à Montréal, où il a rejoint l’école de musique Schulich de l’université McGill.
Ci-dessous, Pilc, qui jouera au Upstairs Jazz Bar and Grill le 12 novembre dans le cadre des célébrations du 20e anniversaire du club, parle de la dernière remise à zéro de sa vie, ainsi que de ce qu’il attend en tant que musicien et professeur à Montréal.
Avant cet automne, vous enseigniez à l’université de New York et viviez et travailliez à New York depuis 20 ans. Pourquoi avez-vous choisi l’Université McGill et Montréal ?
L’université McGill m’a fait une offre très intéressante. En outre, après m’être rendu sur place en mars pour un entretien, je me suis senti à l’aise avec l’équipe et l’environnement, et j’ai eu le sentiment que je pourrais y faire du très bon travail.
De plus, j’aime beaucoup Montréal, et 20 ans à New York, c’est déjà beaucoup, presque une vie. C’était donc le bon moment pour aller de l’avant et prendre un nouveau départ, ce que j’aime faire, dans la vie comme dans la musique.
Comment compareriez-vous l’expérience de l’enseignement du jazz à McGill par rapport à NYU ?
C’est évidemment très différent. Mais pour moi, les comparaisons sont toujours dangereuses et souvent stériles. Il en va de même pour les généralisations, auxquelles je suis allergique. Chaque lieu, chaque situation, chaque élève, chaque leçon est différent. Là encore, la musique et la vie se ressemblent, pour moi, dans le sens où chaque événement est une expérience totalement nouvelle. J’ai vécu d’excellentes expériences à l’université de New York et à McGill jusqu’à présent, et dans les deux cas, j’ai pu compter sur des étudiants très talentueux et des collègues remarquables.
La principale différence réside peut-être dans le fait que la ville de New York est très axée sur la concurrence, à bien des égards. Ici, à Montréal, j’ai moins l’impression que l’on se dit que si l’on peut réussir ici, on peut réussir partout, ce qui est une bonne chose parce que je commençais à m’en lasser moi-même. Moins de concurrence peut en effet permettre à des choses plus sereines et plus profondes de se produire. J’ai des étudiants très dévoués et stimulants, qui ont une relation profonde avec la musique, et j’apprécie beaucoup nos échanges.
Quels sont vos objectifs en tant que professeur et musicien à Montréal ?
Objectifs… Un autre mot dangereux. Je préfère le mot « processus ». Pour moi, et je ne me lasse pas de le répéter, le processus artistique est une question d’amour et de passion. Si je peux transmettre mon amour et ma passion à un étudiant ou à un groupe d’étudiants, alors j’ai accompli quelque chose. Et lorsqu’ils m’envoient leur propre passion en retour, et que nous apprenons tous quelque chose de cet échange, enseignants et élèves, nous nous sentons tous très récompensés. Pour moi, c’est le processus.
J’espère également être un bon ambassadeur de l’école de musique Schulich, car je voyage beaucoup, dans de nombreux pays. Il serait formidable d’y amener le plus grand nombre possible de bons étudiants. En tant que musicien, le processus reste le même : nouer des relations profondes et créer des sentiments et des émotions à partir de nouvelles rencontres et de conversations musicales inédites. Encore une fois, tout est question d’amour, et le voyage continue.