Par Dan Bilawsky, 28 mars 2010
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Si le pianiste Jean-Michel Pilc n’était pas devenu musicien, il aurait pu faire une brillante carrière de philosophe ou d’historien. Tout au long du film de John McCormick, Jean-Michel Pilc : A Portrait, qui met en lumière la musique de Pilc et ses réflexions sur la musique et l’art, Pilc distille des grains de vérité qui brillent par leur simplicité et parlent directement de sa manière d’interpréter et de composer. Pilc explique qu’il n’a jamais fait de distinction entre les différents styles ou étiquettes, comme « classique » ou « jazz », et il émet l’idée qu’un compositeur est en fait un improvisateur en quelque sorte.
Si de nombreuses personnes adhèrent à ces idées du bout des lèvres, peu d’entre elles le démontrent aussi clairement à travers leur musique. Pilc n’est pas un pianiste de jazz jouant de la musique classique ou un musicien classique jouant du jazz, mais plutôt un musicien jouant et créant de la musique… point final.
Jean-Michel Pilc-A Portrait, sorti en 2009 en DVD, est un regard honnête sur un artiste dans différents contextes. Les parties les plus intéressantes du film concernent les réflexions de Pilc sur la musique – souvent présentées dans le cadre d’une classe de maître avec le tromboniste Joe Beaty et le saxophoniste John Beaty – et ses performances en solo. Les thèmes abordés par Pilc vont des grands artistes, tels que Pablo Picasso, Igor Stravinsky, Claude Debussy et Stanley Kubrick, à leur « recherche de la magie », en passant par la rotation de la terre et son lien avec la forme et la musique. Bien que la lecture de ces déclarations puisse les faire passer pour une forme de snobisme artistique, Pilc étaye toujours ses idées par des idées musicales profondément directes qui sont en rapport avec ce qu’il dit.
Mitch Borden, propriétaire des clubs new-yorkais Smalls et Fat Cat, évoque la nature visuelle des performances de Pilc. McCormick, pour enfoncer le clou, fait correspondre les lignes chromatiques vertigineuses et les déclarations agressives de Pilc avec des images vidéo de voitures roulant à vive allure et de la vie trépidante des rues de New York. La musique présentée dans ce film n’est pas moins impressionnante que les idées qui sortent de la bouche de Pilc. Au fur et à mesure que le film se déroule, il aborde une musique discrète teintée de gospel, mais la performance suivante est une interprétation en trio très agressive de « So What ». Plus tard, l’interaction et les échanges houleux entre Pilc, Ari Hoenig, batteur de longue date, et Johannes Weidenmueller, bassiste, contrastent agréablement avec la nature plus pure des performances en solo qui ont été filmées en studio. Bien que la qualité vidéo varie quelque peu, certaines séquences filmées dans les clubs paraissant un peu granuleuses par rapport à l’environnement contrôlé d’une pièce lumineuse et vide où Pilc se trouve derrière un piano, la qualité de la musique est élevée tout au long du film.
La musique profonde de Pilc est présentée dans un autre cadre sur ce disque audio, où il est rejoint par le bassiste Boris Kozlov et le batteur Billy Hart sur True Story. Bien que quelques reprises de choix soient incluses dans le mélange, le programme s’appuie fortement sur les compositions originales de Pilc. La rêverie feutrée de « The Other Night » est intensifiée par toutes les petites nuances apportées par Kozlov et Hart, et le groove entraînant de « PBH Factor » se transforme en une performance aux accents tropicaux. « A Brief History Of Time » débute par une mélodie simple, mais magnifiquement élaborée, qui se développe tout au long du voyage.
Le milieu de l’album présente le matériel le plus direct, centré sur le jazz. « Kingston, NY » est construit sur un groove swing, lent et lopant, avec un gros son de basse de la part de Kozlov. Chaque note de piano s’exprime clairement sur « Try To Remember » et « B.B.B. » de Pilc – le morceau le plus long de l’album – est étroitement lié à la musique de Thelonious Monk. Si Dr. John et Jacky Terrasson étaient enfermés dans une pièce avec deux pianos, ils aboutiraient peut-être à quelque chose de semblable à l’interprétation sournoise de Pilc sur « My Heart Belongs To Daddy ». Le trio grésille sur ce morceau et le piano de Pilc est au centre de tout cela.
Le titre de l’album est le nom d’une suite de cinq scènes, dont chacune dure environ trois minutes. La scène d’ouverture a des accents maléfiques, avec des notes profondes et caverneuses provenant des profondeurs du piano, mais la scène suivante est presque une représentation musicale du changement des marées. Si la vérité est présente dans chacune de ces histoires musicales, la beauté et la grandeur musicale sont également au rendez-vous.
Pistes et personnel
Jean-Michel Pilc : Un portrait
Scènes/Pistes : Introduction ; So What ; Solo Piano Studio Session ; Live At The Fat Cat ; My Little Suede Shoes ; St. James Infirmary ; The Other Side ; Child, Animal, Groove ; Green Spleen ; In A Sentimental Mood ; Playing And Whistling At Home ; Blues For Mac ; Cherokee ; Epilogue ; Credits/Radioactive.
Personnel : Performances et/ou interviews avec : Jean-Michel Pilc ; Ari Hoenig ; Abdou M’Boup ; JD Walter ; François Moutin ; Johannes Weidenmueller ; Will Vinson ; Thomas Bramerie ; John Beaty ; Joe Beaty ; Mitch Borden.
Histoire vraie
Pistes : The Other Night ; Relic ; PBH Factor ; A Brief History Of Time ; High Sky, The Elegant Universe ; Mornings With Franz ; Kingston, NY ; Try To Remember ; B.B.B. ; My Heart Belongs To Daddy ; True Story Scene 1 ; True Story Scene 2 ; True Story, Scene 3 ; True Story, Scene 4 ; True Story, Scene 5.
Personnel : Jean-Michel Pilc : piano ; Boris Kozlov : basse ; Billy Hart : batterie.